Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/693

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chez lui la belle-mère d’Amyntas, femme d’un esprit faible, assez riche ; et abusant de son ignorance, il plaça ses propres esclaves dans ses terres ; il prit à Amyntas son épouse enceinte, qui est accouchée d’une fille chez lui : l’épouse et la fille d’Amyntas sont encore aujourd’hui chez Décianus. Dites-moi, Décianus, ai-je inventé quelqu’un de ces faits ? Tout ce que je dis est connu des nobles du pays, des gens honnêtes, de nos citoyens, des moindres commerçants. Levez-vous, Amyntas ; redemandez à Décianus, non votre argent, non vos terres ; qu’il garde pour lui votre belle-mère ; mais qu’il vous rende votre épouse ; qu’il rende sa fille à un père malheureux. Il ne peut lui rendre ses membres qu’il a estropiés avec le fer, des pierres et des bâtons, ni les mains qu’il lui a rompues, ni les doigts qu’il lui a écrasés, ni les nerfs qu’il lui a coupés : rendez, Décianus, sa fille, oui sa fille, à un père infortuné. Êtes-vous étonné que Flaccus n’ait pas approuvé cette conduite ? Mais, je vous prie, qui est-ce qui l’a approuvée ? Vous avez fait de fausses acquisitions, vous avez fait de fausses saisies de terres, avec des femmes que vous avez manifestement trompées, et auxquelles il fallait donner un tuteur, suivant les lois grecques. Vous avez fait signer Polémocrate, cette âme mercenaire, ce ministre de vos malversations. Polémocrate a été traduit en justice par Dion, pour dol et pour fraude au sujet de la tutelle même. Quel concours de toutes les villes voisines ! comme on était animé contre lui ! quelles plaintes on faisait entendre ! Polémocrate a été condamné tout d’une voix ; on a prononcé la nullité des ventes, la nullité des saisies : et vous ne restituez pas ? Non, vous vous adressez aux citoyens de Pergame, vous leur demandez de porter sur leurs registres vos saisies et vos admirables acquisitions. Ils rejettent votre demande, ils vous refusent. Mais quels hommes vous refusent ? les habitants de Pergame, vos panégyristes. Vous m’avez semblé aussi fier de l’éloge qu’ils font de vous, que si vous eussiez obtenu les distinctions dont jouissaient vos ancêtres ; et vous vous jugiez supérieur à Lélius, parce que la ville de Pergame faisait votre éloge. La ville de Pergame est-elle plus distinguée que celle de Smyrne ? Les habitants même ne le disent pas.

XXXI. Je voudrais avoir assez de temps pour faire lire le décret que le peuple de Smyrne a rendu pour honorer les obsèques de Castricius. On verrait comment d’abord on a fait entrer son corps dans la ville, ce qu’on ne fit jamais pour personne ; comment ensuite il était porté par une troupe de jeunes gens ; enfin comment on avait mis sur son cercueil une couronne d’or : honneurs qui ne furent point accordés aux cendres de l’illustre Scipion, quand il mourut à Pergame. Mais quels noms, grands dieux ! donne-t-on à Castricius ? C’était l’honneur de la patrie, l’ornement du peuple romain, la fleur de la jeunesse. Ainsi, Décianus, si vous aimez la gloire, je vous conseille de chercher d’autres distinctions. Les habitants de Pergame se sont moqués de vous ; car enfin ne vous aperceviez-vous pas qu’ils vous jouaient, lorsque publiquement ils vous traitaient de personnage illustre, doué d’une sagesse admirable et d’un rare génie ? Ils vous jouaient, croyez-moi ; et quand ils vous décrétaient une couronne d’or, tandis qu’en effet ils ne vous donnaient pas un grain d’or, ne pouviez-vous point dès lors reconnaître aisément qu’ils voulaient rire ? Quoi qu’il en soit, les habitants de Pergame, vos panégyristes, ont rejeté les saisies que vous leur présentiez. P. Orbius, homme plein d’honneur et d’inté-