Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/178

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ce meurtre, mais qu’ils lui ont expliqué les motifs qui le rendaient légitime. » Sur quelque chose, comme « Si un plébiscite défend ce qu’un testament prescrit de faire. » La question roule sur l’alternative, quand on dit qu’il fallait faire nécessairement de deux choses l’une, et que le parti qu’on a pris était le meilleur. En voici un exemple : «  C. Popillius, enveloppé par les Gaulois, et ne pouvant leur échapper d’aucune façon, entra en pourparler avec les généraux ennemis, et obtint de dégager son armée à la condition d’abandonner ses bagages. Il jugea qu’il valait mieux perdre ses bagages que ses troupes ; il emmena son armée et laissa ses convois; on l’accuse de lèse-majesté. »

XVI. Je crois avoir montré quelles sont les questions et comment elles se divisent; il faut faire voir à présent de quelle manière et avec quelle méthode il convient de les traiter, après avoir indiqué d’abord quel est, pour chacune des parties, le point dans lequel se résume toute la plaidoirie. L’état de la question étant donc reconnu, il faut en chercher aussitôt la raison. La raison, c’est ce qui constitue la cause, et contient toute la défense. Ainsi (pour faire servir le même exemple à nos démonstrations) : « Oreste avouant qu’il a tué sa mère, s’ôterait tout moyen de défense, s’il n’alléguait la raison qui l’a fait agir; il en donne donc une, sans laquelle il n’y aurait pas même de cause; elle avait, dit-il, tué mon père. » La raison est donc, comme je l’ai fait voir, la base de la défense; sans elle, il n’existerait pas même le plus léger doute pour retarder la condamnation. La raison une fois trouvée, il faut chercher quelle sera la réplique de l’adversaire, c’est-à-dire le point essentiel de l’accusation, ce que l’on oppose à la raison de la défense dont nous venons de parler. Voici comment on établira ce point : «  Lorsque Oreste aura fait valoir cette raison : « J’ai eu le droit de tuer ma mère, car elle avait donné la mort à mon père, » l’accusateur répliquera : «  Mais ce n’était pas à vous à lui arracher la vie, et à la punir sans qu’elle eût été condamnée. » C’est de la raison de la défense, et de la réplique de l’accusation, que résulte nécessairement le point à juger, que nous nommons iudicatio, et que les Grecs appellent κρινόμενον. Ce qui le constitue, c’est le concours de la réplique de l’accusation avec la raison de la défense; ainsi : « Lorsque Oreste prétend que c’est pour venger son père qu’il a tué sa mère, il s’agit de savoir s’il était juste que Clytemnestre fût immolée par son fils, et sans avoir été jugée. » Tel est le moyen de découvrir le point à juger. Une fois qu’il est trouvé, c’est là qu’il faut diriger tout l’ensemble du discours.

XVII. Voilà comment dans toutes les questions et dans leurs différentes parties on trouvera les points à juger, excepté dans la question conjecturale. Car alors on ne cherche pas quel a été le motif de l’action, puisqu'on nie l’action elle-même; on ne s’occupe pas non plus de la réplique, puisqu'on n’a pas eu de raison à fournir. Aussi le point à juger résulte-t-il de l’imputation d’une part et de la dénégation de l’autre; par exemple : imputation : « Vous avez tué Ajax; » dénégation : « Je ne l’ai pas tué; » point à juger : « L’a-t-il tué? » C’est vers ce point, comme je l’ai déjà dit, que doit tendre tout le système des deux orateurs.