Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/181

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sinon, il se rejettera sur l’imprudence, l’aveuglement, la jeunesse, la violence, la captation. Ces excuses feront écarter le blâme des actes étrangers à l’accusation. S’il se trouve dans un sérieux embarras par la turpitude et l’infamie avérée du prévenu, son premier soin sera de dire qu’on a répandu de faux bruits sur un innocent, et d’employer ce lieu commun, qu’il ne faut pas croire aux bruits populaires. S’il ne peut user d’aucune de ces ressources, il dira pour dernier moyen de défense, qu’il n’a point à plaider devant des censeurs pour la moralité de son client, mais à répondre devant des juges aux accusations de ses adversaires.

IV. Pour l’accusateur, les convenances consistent à démontrer que l’action imputée à l’adversaire n’a été avantageuse à nul autre qu’à lui ; ou bien qu’il pouvait seul l’exécuter, qu’il n’y serait pas parvenu par d’autres moyens, ou qu’il n’y aurait pas aussi facilement réussi, ou que la passion qui l’entraînait ne lui a pas laissé voir de moyens plus commodes. Dans ce cas, le défenseur doit faire voir que l’action a profité tout aussi bien à d’autres, ou que d’autres ont pu faire ce qu’on reproche à son client. On entend par indices ce qui montre que le prévenu avait la faculté de faire ce qu’on lui impute. On les divise en six parties : le lieu, le temps, la durée, l’occasion, l’espoir de la réussite et celui du secret. Le lieu ; était-il fréquenté ou désert ? est-il toujours désert, ou bien l’était-il au moment de l’action ? Est-ce un lieu sacré ou profane, public ou particulier ? Quels sont les lieux attenants ? Pouvait-on voir la victime ou l’entendre ? Je ne refuserais pas d’enseigner quels sont ceux de ces moyens qui conviennent à l’accusateur ou à l’accusé, s’il n’était pas facile à chacun d’en juger dès que la cause est posée. L’art doit fournir les sources de l’invention ; l’exercice fait acquérir aisément le reste. Pour le temps, on cherche dans quelle saison, à quelle heure le fait s’est accompli : si c’était de nuit ou de jour, à quel moment de la journée, à quelle heure de la nuit, et pourquoi dans tel ou tel instant. On considère, relativement à la durée, si elle a pu suffire à l’accomplissement de l’action, et si l’accusé pouvait savoir qu’elle serait assez longue. Car il importe peu qu’il ait eu l’espace de temps nécessaire, s’il n’a pas pu d’avance le savoir ou le calculer. Quant à l’occasion, on cherche si elle était favorable à l’entreprise, ou s’il n’y en avait pas une meilleure qu’on a laissé passer ou qu’on n’a pas attendue. Pour apprécier l’espoir du succès, on examinera s’il y a concours des indices dont j’ai parlé tout à l’heure, et si l’on remarque, en outre, d’une part la force, l’argent, l’adresse, les lumières, les préparatifs ; et de l’autre la faiblesse, le dénuement, l’ignorance, le défaut de prudence et de précautions. On saura par ce moyen si l’accusé devait avoir de la crainte ou de la confiance. L’espoir du secret ressortira de la recherche des complices, des témoins, des coopérateurs, qu’ils soient libres ou qu’ils soient esclaves, ou qu’il y en ait des uns et des autres.

V. L’argument présente contre l’accusé des indices plus certains, des soupçons plus fondés. Il embrasse trois époques : le temps qui a précédé l’action, celui de l’action même, et celui qui l’a suivie. À l’égard du premier, il faut considérer où était l’accusé, où et avec qui on l’a vu ; s’il a fait quelques préparatifs ; s’il est allé trouver quelqu’un ; s’il a dit quelque chose ; s’il a eu des complices, des coopérateurs, des secours ; s’il s’est