Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/204

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nous en montrerons ou la justice, ou le courage, ou la modération, ou la prudence ; pour la blâmer, nous en ferons voir ou l’injustice, ou la lâcheté, ou l’excès, ou la sottise. On aperçoit déjà clairement, par cette disposition, comment il faut traiter les trois parties dans lesquelles se divisent la louange et le blâme. Ajoutons toutefois qu’il n’est pas nécessaire de marquer ces trois parties dans la louange ou dans le blâme, parce qu’il arrive souvent qu’elles ne s’y rencontrent pas, ou qu’elles y sont si faiblement indiquées, qu’il est inutile d’en parler. Il faudra donc choisir celles qui présenteront le plus de force. Nous conclurons brièvement par une récapitulation à la fin du discours. Dans le discours lui-même nous intercalerons de fréquentes et rapides amplifications, au moyen des lieux communs. Quoique ce genre de cause soit d’un usage peu fréquent, il ne faut pas néanmoins en négliger les règles. Car, dût-on ne le traiter qu’une fois, il faut être en état de le faire de la manière la plus convenable. Si le genre démonstratif ne s’emploie que rarement seul, l’éloge ou le blâme tient souvent une grande place dans les causes judiciaires ou délibératives. Soyons donc persuadés que ce genre exige aussi qu’on y apporte quelque soin.

Maintenant que nous avons achevé la partie la plus difficile de la rhétorique, en traçant les règles de l’invention, et en les appliquant à tous les genres de causes, il est temps d’aborder les autres parties. Nous allons donc traiter de la disposition.

IX. La disposition étant l’art de mettre en ordre les moyens fournis par l’invention, de manière à ce que chacun se produise à la place qui lui convient, il faut examiner en quoi consiste cet ordre. Il y a deux sortes de dispositions, l’une qui résulte des préceptes de l’art ; l’autre qui dépend des circonstances. Employer la première, c’est suivre les règles que nous avons tracées dans le premier livre ; c’est-à-dire, distinguer l’exorde, la narration, la division, la confirmation, la réfutation, la péroraison, et leur assigner l’ordre que nous avons établi. Ces mêmes règles serviront, non seulement pour le plan général du discours, mais encore, pour chacune des divisions dont nous avons traité dans le second livre, l’ex-position, les preuves, la confirmation des preuves, les ornements, la conclusion. La disposition fondée sur les préceptes de l’art est donc de deux espèces : l’une, qui se rapporte à l’ensemble du discours ; l’antre, à ses diverses parties.

Mais il y a encore une autre sorte de disposition qui s’écarte de l’ordre artificiel pour s’accommoder aux circonstances, suivant le goût de l’orateur : on peut commencer par la narration, ou par un argument puissant, ou par la lecture d’une lettre ; ou bien placer la preuve aussitôt après l’exorde, et la faire suivre de la narration ; ou faire, dans l’ordre ordinaire, tout autre changement de ce genre, pourvu qu’il soit justifié par l’intérêt de la cause. Car, si l’on voit que les oreilles des auditeurs sont lasses, ou leurs esprits excédés du bavardage des adversaires, il sera facile de se passer d’exorde, et de commencer par la narration ou par quelque argument victorieux. Ensuite, si on y trouve un