arrive au port. La blessure de celui qui s’était percé de son épée n’était pas dangereuse ; il fut bientôt guéri. Chacun de ces trois hommes réclame le navire et sa cargaison ; chacun d’eux fonde ses prétentions sur le texte de la loi. » La contestation naît du sens qu’on attache aux mots ; il faut définir ce qu’on entend par abandonner le bâtiment, ce qu’on entend par y rester ; et enfin, ce qu’on entend par le bâtiment lui-même. On emploiera ici les mêmes lieux que pour la question de définition.
Maintenant que nous avons exposé les règles qui peuvent s’appliquer au genre judiciaire, nous traiterons des genres délibératif et démonstratif ; nous en tracerons les préceptes, et nous indiquerons les lieux qu’ils fournissent pour l’argumentation : non pas que toute cause ne se rattache nécessairement à une question ; mais ces causes ont des lieux communs qui leur sont propres, et qui, sans s’écarter de quelqu’une des questions, s’appliquent spécialement au caractère de ces genres.
On veut que le genre judiciaire ait pour but l’équité, c’est-à-dire, une partie de l’honnêteté. Aristote donne pour but au délibératif l’utile, et nous, l’honnête et l’utile ; au démonstratif, l’honnête. Aussi, pour ce dernier genre, aux préceptes généraux et communs sur les divers moyens de confirmation, nous joindrons quelques règles particulières, appropriées au but vers lequel doit tendre tout le discours. Nous n’hésiterions pas à donner un exemple de chaque question, si nous n’étions persuadés que les développements qui répandent du jour sur les sujets obscurs, peuvent aussi rendre obscures des choses évidentes par elles-mêmes. Occupons-nous d’abord des préceptes du genre délibératif.
LII. Tous les objets qui peuvent exciter les désirs de l’homme se divisent en trois genres ; il en est trois aussi des objets qu’il doit éviter. En effet, les uns, forts de leur secrète puissance, nous attirent à eux, moins par l’attrait des charmes qu’ils nous offrent, que par l’ascendant de leur dignité : telles sont la vertu, la science, la vérité. On désire les autres choses plutôt par intérêt et pour leur utilité que pour elles-mêmes : telles sont les richesses. D’autres enfin, qui participent des deux premières, nous séduisent par leur dignité naturelle et par une apparence d’utilité qui leur donne un nouveau prix : comme l’amitié, une bonne réputation. Il est facile, malgré notre silence, de reconnaître quels objets leur sont opposés. Pour abréger, nous allons donner un nom à chacun de ces genres. Tout ce qu’embrasse le premier, s’appelle honnête ; le second renferme l’utile ; le troisième se compose également de quelques parties des deux premiers ; mais comme il n’est pas étranger à l’honneur, principe bien supérieur à l’autre, nous lui donnerons le nom le plus honorable, et nous l’appellerons aussi honnête. Nous conclurons de là que l’honneur et le bien sont le principe des choses désirables, et la honte et le mal, le principe de celles qu’on doit rejeter. A ces deux principes, il faut en ajouter deux autres non moins puissants, ! a nécessité et les circonstances. Dans l’un, on considère la force ; dans l’autre, les objets et les personnes : nous les développerons plus bas.