Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/570

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de nos ancêtres, l’âge de briguer cet honneur est fixé, et la chance de l’obtenir, incertaine. Aussi sa chute fut déplorable, et en voulant ressembler aux Cyrus et aux Alexandre, qui, au lieu de fournir leur carrière, la franchirent d’un saut, il resta bien loin de L. Crassus et de beaucoup d’autres grands hommes de la même famille.

LXXXII. Mais revenons à Calvus ; car c’est de lui qu’il devait être question. Cet orateur, plus versé que Curion dans la connaissance des lettres, avait aussi un style plus fini et plus étudié : il le maniait, sans doute, avec beaucoup de talent et de goût ; cependant à force de s’observer et d’exercer sur lui-même une critique minutieuse, en évitant l’enflure, il perdait jusqu’au véritable embonpoint. Aussi ce style, amaigri par une correction trop scrupuleuse, pouvait éclairer des savants et des auditeurs attentifs ; mais le peuple et le barreau, pour qui l’éloquence est faite, n’en gardaient point l’impression fugitive. — Notre ami Calvus voulait passer pour un orateur attique, dit alors Brutus. De là cette extrême simplicité qu’il recherchait à dessein. — Il le disait, répondis-je ; mais il se trompait et il trompait les autres. Si l’on appelle attique, ce qui n’offre aucune inconvenance, aucune prétention, aucune recherche, on e raison de n’estimer que ce qui est attique : c’est condamner l’impertinence et la bizarrerie, comme les écarts d’une éloquence en délire ; c’est approuver le bon sens et le naturel, comme un devoir de conscience pour l’orateur qui se respecte : il ne doit y avoir à cet égard qu’une seule opinion. Si, au contraire, on décore du nom d’attique une diction sèche, pauvre et aride, pourvu qu’elle soit châtiée, polie, élégante, j’y consens ; mais les Attiques ont quelque chose de mieux, et il ne faut pas ignorer leurs degrés de mérite, les caractères qui les distinguent, la nature et la variété de leurs talents. Je veux, dites-vous, imiter les Attiques. Lesquels ? car il y en a de plus d’une espèce. Quelle différence entre Démosthène et Lysias ! entre Démosthène et Hypéride ! entre tous les trois et Eschine ! Lequel donc imiterez-vous ? L’un d’entre eux ? les autres n’étaient donc pas Attiques ? Tous ensemble ? comment ferez-vous, puisqu’ils se ressemblent si peu ? Et ici, je demanderai encore si Démétrius de Phalère fut un orateur attique ? Pour moi, Athènes elle-même me semble respirer dans ses discours. Mais il est plus fleuri qu’Hypéride et Lysias ! C’est que son talent ou son choix l’ont porté vers ce genre.

LXXXIII. On vit paraître à la même époque deux écrivains très différents entre eux, et cependant Attiques : Charisius, qui composa beaucoup de discours pour les autres, et qui paraissait vouloir imiter Lysias ; et Démocharès, fils d’une sœur de Démosthène, qui, outre plusieurs discours, écrivit d’un style plus oratoire qu’historique le récit de ce qui était arrivé de son temps à Athènes. Mais Hégésias veut ressembler à Charisius, et il se croit si Attique, qu’auprès de lui ceux qui le sont véritablement lui paraissent barbares. Or, qu’y a-t-il de plus haché, de plus décousu, de plus puéril que cette élégance symétrique, dont, après tout, il n’est pas dépourvu ? « Nous voulons ressembler aux Attiques. » Fort bien. « Ces orateurs ne sont-ils donc pas Attiques ? Qui pourrait le nier ? » Ce sont eux que nous imitons. Comment quand ils diffèrent entre eux autant qu’ils diffèrent des autres ? « Notre modèle, c’est Thucydide. » À la bonne heure, si vous