Page:Cicéron - Œuvres complètes - Panckoucke 1830, t.8.djvu/312

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des arts. Moins favorisés de la nature, ils désespéraient de pouvoir jamais atteindre à la gloire que la Grèce s’était acquise par les productions immortelles de tant d’heureux génies ; nés pour conquérir le monde, ils abandonnaient aux Grecs, avec une hauteur dédaigneuse, le soin de l’embellir, de le charmer et de l’éclairer ; ils prenaient pour eux la part de la domination, et semblaient vouloir laisser aux autres celle des talens de la main et de l’esprit comme une faible compensation dans ce partage des destinées. Mais ils se raidissaient en vain contre une force d’autant plus entraînante, qu’elle agit sans violence ; et Cicéron, malgré le mépris qu’il affecte pour les arts dans ses discours contre Verrès, finit par avoir de très-belles statues et de très-beaux tableaux dans les nombreuses et magnifiques maisons de campagne où il allait se délasser de ses travaux et déposer le faste de son austérité romaine.

« En général, il règne dans ses discours un ton plus propre encore à rendre Verrès ridicule qu’à faire sentir tout ce que ses attentats avaient d’odieux et d’horrible. L’orateur s’est même permis quelques plaisanteries, qu’on lui a peut-être trop reprochées. Cicéron ne haïssait pas le calembour, et il a joué beaucoup sur le nom de Verrès, qui signifie porc... Cicéron voulait avoir trop d’esprit. Il est vrai que la personne de Verrès prêtait assez au ridicule : c’était un de ces gros hommes surchargés d’embonpoint, en qui le poids du physique semble étouffer la délicatesse du sentiment moral. Comme il avait voulu enlever une énorme statue d’Hercule, que ses gens avaient à peine ébranlée sur sa base, Cicéron appelle. cela le treizième des travaux d’Hercule ; et, jouant toujours sur le nom de Verrès, il le compare au sanglier d’Érymanthe. Ailleurs il le nomme le balai de la Sicile, parce que le mot Verrès a quelque rapport avec celui de verriculum, qui signifie balai. L’orateur romain, malgré ses belles périodes, était rieur, et ne négligeait pas l’occasion de faire une pointe.

« Cette Verrine De signis n’est pas celui de ses discours qui présente le plus de difficultés à son traducteur ; elle est presque toute composée de narrations qu’on pourrait en quelque façon détacher les unes des autres, et l’on sait qu’en général il est plus aisé de saisir les tours et le style propres aux récits que d’atteindre aux grandes figures, à l’expression animée, périodique et harmonieuse des développemens oratoires. Mais elle offre aussi un écueil assez