je, que je parle plutôt en orateur qu'en dialecticien ? - Comme si un discours continu, me dit-il, ne convenait pas aussi bien aux philosophes qu'aux rhéteurs ! - Zénon le stoïcien, repris-je, a, d'après Aristote, distribué en deux parties tout ce qui regarde le discours : la rhétorique, qu'il comparait à la main ouverte, parce que les orateurs donnent plus de développement à leurs pensées ; et la dialectique, qu'il comparait à la main fermée, parce que les dialecticiens sont plus serrés dans ce qu'ils disent. Je vous obéirai donc, et je parlerai, si je puis, en orateur qui traite un sujet de philosophie, et non pas en orateur dans le barreau, où il n'est guère permis de rien approfondir, parce qu'on parle pour être entendu de tout le monde. Mais, Torquatus, lorsque Épicure méprise la dialectique, qui seule apprend à bien connaître l'état d'une question, à en bien juger et à en bien discourir, et quand il ne veut pas qu'on fasse aucune distinction dans les choses qu'il enseigne, il me semble qu'il ne peut jamais se soutenir : notre discussion même nous en offre la preuve.
Épicure dit, et vous dites, comme lui, que la volupté est le souverain bien. Il faut donc définir ce que c'est que la volupté ; autrement on ne saurait parvenir à l'objet de cette recherche ; et s'il l'avait bien expliqué, il n'hésiterait pas comme il fait. Alors, ou il soutiendrait, à l'exemple d'Aristippe, la volupté qui chatouille les sens, et que les bêtes mêmes appelleraient volupté, si elles pouvaient parler ; ou, s'il aimait mieux se servir de sa langue particulière que de s'en tenir à la langue usitée
Sur les bords de l'Attique, aux remparts de Mycènes,
et chez tous les Grecs cités dans ce passage, il n'appellerait volupté que l'absence de douleur, et mépriserait la volupté d'Aristippe ; ou enfin, s'il approuvait l'une et l'autre, comme en effet il les approuve, il joindrait l'absence de la douleur à la volupté, et regarderait l'une et l'autre comme deux biens suprêmes.