Page:Cicéron - Des suprêmes biens et des suprêmes maux, traduction Guyau, 1875.djvu/118

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CHAPITRE XIII.

LA RAISON EXCLUT DU SOUVERAIN BIEN TOUT ÉLÉMENT QUI PUISSE ALTÉRER L'IDÉE DE L’HONNÊTE.

C'est ce que je veux faire aussi, en suivant la route que la raison semble me tracer ; et pour abréger les disputes, je commence par dire qu'il faut retrancher absolument de la philosophie les opinions de ceux qui retranchent la vertu du souverain bien ; et surtout celle d'Aristippe et des cyrénaïques, ses sectateurs, qui n'ont pas eu honte de le faire consister dans la volupté qui chatouille les sens, en méprisant cette absence de douleur dont parle Épicure.

Ces gens-là n'ont pas vu que, comme la nature a dressé en quelque sorte elle-même le cheval pour la course, le bœuf pour le labourage, et le chien pour la chasse, elle a aussi fait naître l'homme, comme un dieu mortel, pour deux choses, suivant la pensée d'Aristote : pour l'intelligence et pour l'action. Eux, au contraire, ils ont prétendu que cet être divin n'était né que pour manger et pour se reproduire, comme les bêtes brutes. Je ne vois rien de plus absurde.

Voilà les reproches que mérite Aristippe, qui a regardé ce que tout le monde entend par volupté non-seulement comme le souverain bien, mais comme le seul vrai bien. Sans doute vos philosophes ne partagent point cette erreur ; mais son erreur, à lui, est vraiment impardonnable. En effet, la figure même du corps humain, et l'intelligence dont l'homme est doué, font bien voir qu'il n'est pas né seulement pour jouir de la volupté des sens. Il