ne faut pas s'arrêter beaucoup plus sérieusement à Hiéronyme, qui met le souverain bien dans l'absence de la douleur, comme font quelquefois, et trop souvent même, les épicuriens : car si la douleur est un mal, il ne s'ensuit pas que pour vivre heureux il suffise de n'avoir point de douleur ; et il faut laisser dire à Ennius :
C’est un assez grand bien que l'absence du mal.
Pour nous, jugeons de la félicité de la vie, non par l'éloignement seul du mal, mais par l'acquisition du vrai bien ; et appliquons-nous à le chercher, non dans la mollesse et dans la volupté, comme Aristippe, ni dans l'absence de la douleur, comme Hiéronyme, mais dans la pratique des actions vertueuses et dans les plus sages méditations.
Ce que je viens de dire du souverain bien d'après l'un et l'autre, se peut dire de l'opinion de Carnéade, quoiqu'il l'ait avancée plutôt pour combattre les stoïciens, contre lesquels il était en guerre, que pour soutenir ses propres sentiments ; car le souverain bien dont il parle est de telle nature, qu'étant joint à la vertu, non-seulement il mériterait d'être admis, mais il pourrait mettre le comble à la félicité de la vie ; et c'est ici l'objet de la question.
Quant à ceux qui ajoutent à la vertu, ou la volupté que la vertu méprise, ou l'absence de la douleur, qui n'a rien de mauvais en soi, mais qui ne peut jamais être un souverain bien, ils y ajoutent des choses qui n'en valent pas la peine, et je ne comprends pas pourquoi ils sont en cela si ménagers et si avares. Comme s'il leur fallait acheter de leur argent de quoi habiller la vertu, ils ne lui donnent que des choses de nulle valeur, et ils lui en donnent seulement une ou deux,