Page:Cicéron - Des suprêmes biens et des suprêmes maux, traduction Guyau, 1875.djvu/138

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est nous peut-être qui ne l'entendons pas. Voilà votre réponse ordinaire. Quelle difficulté, en effet, quelle obscurité ! Quoi ! lorsqu'on parle d'atomes et d'intermondes, choses qui ne sont ni ne peuvent être, j'entendrai bien ce qu'on veut dire ; et je ne pourrai pas comprendre ce que c'est que la volupté, que les moineaux mêmes connaissent ? Mais que direz-vous si je vous fais avouer que, non-seulement je connais ce que c'est que la volupté en général, qui n'est autre chose qu'un mouvement agréable dans les sens, mais que je sais aussi ce que c'est que la volupté dont vous entendez parler, tant celle que je viens de dire, que vous appelez volupté en mouvement, et qui peut recevoir diverses modifications, que celle que vous appelez volupté stable, qui ne peut recevoir d'accroissement, et que vous faites consister dans l'absence de la douleur ?

Je veux qu'il ne s'agisse que de celle-ci : en quelle assemblée oserez-vous jamais dire que vous ne faites rien que pour n'avoir aucune douleur ? Que si cela ne vous paraît pas encore assez honnête à dire, dites que vous ne ferez rien, ni dans toute votre magistrature, ni dans tout le cours de votre vie, que pour votre propre utilité ; rien que ce qui vous conviendra ; rien enfin que pour l'amour de vous-même. Quels cris ne s'élèveront point alors contre vous, et quelle espérance vous restera-t-il d'obtenir le consulat, qui paraît vous être destiné ? Quoi ! vous suivrez secrètement, et ne laisserez voir qu'à vos amis les plus intimes, des sentiments que vous n'oseriez témoigner en public ? Au contraire, vous avez toujours à la bouche, comme les péripatéticiens et les stoïciens, les mots “ d'équité, de devoir, de droiture et d'honnêteté ; ” vous dites “ qu'il ne faut rien faire qui ne soit digne de l'empire, digne du peuple romain ; qu'il faut braver tous les périls pour la république, mourir pour la patrie. ”

Quand vous parlez ainsi dans les tribunaux, au sénat, nous vous