Aller au contenu

Page:Cicéron - Des suprêmes biens et des suprêmes maux, traduction Guyau, 1875.djvu/139

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

admirons, imbéciles que nous sommes, et vous en riez en vous-même : car, dans tout cela, pas un mot de volupté, ni de celle que vous appelez en mouvement, et que toute la ville, toute la campagne, tout ce qui parle notre langue, appelle volupté aussi bien que vous ; ni de celle qui est stable, et que personne n'a jamais nommée volupté, que vous seuls.

CHAPITRE XXIV.

CRITIQUE DE L’AMITIÉ ÉPICURIENNE. – L’UTILITÉ ET L’AMITIÉ.

Voyez si vous faites bien de parler comme nous, quand vous pensez si différemment. II serait indigne de vous de composer votre visage et votre démarche, afin de paraître plus grave ; et vous ne craindrez pas de vous composer de telle sorte dans vos discours, que vous parlerez d'une façon, pendant que vous penserez d'une autre ; vous changerez même de sentiments comme d'habits ; vous aurez chez vous des opinions secrètes, et vous tromperez le peuple en gardant pour vous la vérité ! Encore une fois, est-ce bien ? Pour moi, je ne crois de bonnes opinions que celles qui sont honnêtes, qui sont louables, qui sont glorieuses, qu'on peut laisser voir dans le sénat, devant le peuple, en toutes sortes d'assemblées, et qui n'exposent pas un homme à penser sans honte ce qu'il a honte de dire.

Mais quelle place resterait-il à l'amitié ? peut-on être ami d'un autre sans l'aimer pour lui-même ? Aimer, d'où nous est venu le mot d'amitié, qu'est-ce autre chose que de vouloir toute sorte de bien à quelqu'un, quand même il ne nous en reviendrait rien ? Il ne me sera pas inutile, direz-vous, d'être ami désintéressé. Dites plutôt que vous pourrez trouver quelque avantage à le paraître ; car pour l'être, c’est ce qui est impossible,