elle se contente de peu. Sans doute, si vous n’attachiez pas tant de prix à la volupté. Lorsqu'il dit ensuite que les choses les plus viles ne font pas moins de plaisir à manger que les plus exquises, non-seulement il manque de jugement, mais il manque aussi de goût. C'est à ceux qui méprisent la volupté de dire qu'ils ne préfèrent pas un esturgeon à un hareng. Mais un homme qui met, comme lui, le souverain bien dans la volupté, ne doit pas juger des choses par la raison, mais par les sens, et il doit regarder comme meilleur ce qui les flatte le plus.
Mais je veux qu'on puisse avoir de grandes voluptés pour peu, et presque pour rien ; je veux qu'on ne trouve pas moins de plaisir au cresson qui était, suivant Xénophon, la nourriture des Perses, qu'aux tables syracusaines dont Platon blâme si fort les délices ; enfin je veux que la volupté soit aussi facile à avoir qu'il vous plaira de le supposer : que dirons-nous de la douleur, dont les tourments sont quelquefois si cruels que, si la douleur est le plus grand des maux, il est impossible que la vie, dans de grandes douleurs, soit heureuse ? Métrodore, qui est presque un autre Épicure, dit que “ c'est être heureux que d'avoir une bonne constitution, et de pouvoir s'assurer qu'elle sera toujours bonne ; ” mais quelqu'un peut-il s'assurer d'être en santé, je ne dis pas toute une année, mais tout un jour ? On craindra donc le plus grand des maux, la douleur, même absente ; car elle peut survenir à tout moment. Et quel est le bonheur compatible avec la crainte du plus grand des maux ?
Mais Épicure a donné le secret de ne pas se soucier de la douleur. Il y a d'abord de l'absurdité à dire qu'on doive ne pas se soucier d'un très-grand mal : mais quel est, au fond, le secret qu'il donne ? “ Une très-grande douleur dure peu. ” Premièrement, qu'entendez-vous par durer peu ? et ensuite, par une très-grande douleur ? Quoi ! une très-grande douleur ne peut pas durer plusieurs jours ? Prenez garde qu'elle ne puisse durer plusieurs mois, à moins que vous n'entendiez parler