Page:Cicéron - Des suprêmes biens et des suprêmes maux, traduction Guyau, 1875.djvu/150

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d'une douleur qui tue sur-le-champ. Mais qui craint une pareille douleur ? Calmez plutôt celle dont j'ai vu tourmenté un de mes amis, Cn. Octavius, fils de Marcus, le meilleur et le plus aimable des hommes. Combien n'éprouva-t-il pas de souffrances, non pas une seule fois et peu de temps, mais à de fréquentes et longues reprises ! En quel étrange état ne l'ai-je point vu, lorsqu'il sentait par tout le corps un feu qui le dévorait ! Et cependant, comme la douleur n'est réellement pas le souverain mal, il n'était pas malheureux, il était souffrant. Le malheur eût été de vivre honteusement au milieu des voluptés et des vices.

CHAPITRE XXIX.

DES REMÈDES CONTRE LA DOULEUR.

Ainsi, quand vous dites qu'une grande douleur est courte et que celle qui est longue est légère, je ne sais pas trop ce que cela signifie ; car j'ai vu des douleurs vives et longues.

Il y a quelque chose qui les rend plus tolérables que tout ce que vous proposez, mais que vous ne sauriez mettre en usage, vous qui n'aimez point la vertu pour elle-même. Ce sont les préceptes, et, pour ainsi dire, les lois que la force d'âme donne aux hommes pour les empêcher d'être efféminés dans la douleur. Par là on apprend qu'il est honteux, non pas de se plaindre, car cela est quelquefois nécessaire, mais de remplir des cris de Philoctète les rochers de Lemnos :

Ses plaintes, ses sanglots, ses longs gémissements,

Répandent dans les airs l'horreur de ses tourments.