l’océan prend une face riante ; le ciel, devenu serein, répand au loin la plus vive splendeur.
A peine le printemps à ramené les beaux jours, à peine le zéphyr a recouvré son haleine féconde, les habitants de l’air ressentent ton atteinte, ô déesse ! et annoncent ton retour : aussitôt les troupeaux enflammés bondissent dans leurs pâturages et traversent les fleuves rapides ; épris de tes charmes, saisis de ton attrait, tous les êtres vivants brûlent de te suivre partout où tu les entraînes ; enfin dans les mers, sur les montagnes, au milieu des fleuves impétueux, des bocages touffus, des vertes campagnes, ta douce flamme pénètre tous les cœurs et anime toutes les espèces du désir de se perpétuer.
Puisque tu es l’unique souveraine de la nature, que sans toi rien ne vient à la douce lumière du jour, mère des grâces et du plaisir, daigne, ô Vénus ! t’associer à mon travail et m’inspirer ce poëme, dans lequel je m’efforcerai de chanter la nature : je le consacre à notre Memmius ; de tous temps, déesse, tu l’as orné de tes dons les plus rares ; donne donc à mes vers un charme qui jamais ne se flétrisse.
Cependant assoupis et suspends sur la terre et l’onde les fureurs de la guerre. Toi seule peux faire goûter aux mortels les douceurs de la paix. Mars est le dieu des armes : il règne dans les combats cruels ; mais souvent il se rejette dans tes bras, et là, retenu par la blessure d’un amour éternel, les yeux levés vers toi, la tête posée sur ton sein, la bouche entr’ouverte, il repait d’amour ses regards avides, et son âme reste comme suspendue à tes lèvres. Dans ce moment d’ivresse où tes membres sacrés le soutiennent, à déesse glorieuse ! penchée tendrement sur lui, verse dans son âme la douce persuasion, et demande pour les Romains la paix et le repos[1].
Les dieux, par le privilége de leur nature, doivent jouir, dans une profonde paix, de leur immortalité ; hors de la sphère de nos événements, éloignés de notre monde, à l’abri
- ↑ Lucrèce, l. I, init. (trad. Lagrange et Blanchet).