grains, tu y remarqueras des nuances différentes : il en est ainsi entre les coquillages qui colorent le sein de la terre, aux endroits où le sable s’est abreuvé des flots de l’océan. Par une même raison les éléments, puisqu’ils sont l’ouvrage de la nature, puisque l’art ne les a pas fondus dans un moule commun, doivent nager dans le vide sous des formes diverses.
Si tu considères, d’un autre côté, que le lait et le miel flattent délicieusement le palais, tandis qu’il est blessé par la forte saveur de l’absinthe amère et de la sauvage centaurée, tu reconnaitras que les sensations agréables résultent d’atomes lisses et sphériques, que l’amertume et l’âpreté naissent au contraire de l’assemblage de principes recourbés, qui, fortement unis, ne peuvent pénétrer au siége du sentiment qu’en brisant les fibres de nos organes.
En un mot, le plaisir et la douleur qu’excitent en nous les corps dépendent de la configuration de leurs principes, à moins que tu n’aimes mieux croire que l’aigre sifflement de la scie soit produit par des éléments aussi polis que les accords touchants de la lyre sous les doigts agiles d’un musicien.
Tu ne donneras pas non plus la même forme aux atomes fétides d’un cadavre qui se consume, et à ceux qu’exhalent les temples des dieux ou nos théâtres embaumés de parfums de Cilicie.
Tu ne donneras pas les mêmes principes aux couleurs bienfaisantes dont l’œil aime à se repaître, et à celles qui blessent l’organe, lui arrachent des larmes, et le forcent de se détourner avec horreur. Car tout ce qui réjouit et flatte nos organes est formé d’atomes polis et sphériques ; ce qui les blesse et les inquiète, d’éléments plus rudes et moins parfaits.
Il y a encore des atomes qui ne sont ni absolument lisses, ni entièrement recourbés, mais hérissés de pointes saillantes qui chatouillent l’organe plutôt qu’ils ne le déchirent : tels sont ceux de la fécule et de l’aulnée.