teindre, la vue se troubler, les oreilles tinter, les membres s’affaisser ; et souvent le trépas est la suite de ces terreurs soudaines : tant est intime l’union de l’esprit et de l’âme, puisque celle-ci ne frappe le corps que du même coup qu’elle a reçu de l’esprit.
De là nous pourrons encore conclure que l’esprit et l’âme sont corporels : car, s’ils font mouvoir nos membres, s’ils nous arrachent des bras du sommeil, s’ils altèrent la couleur du visage et gouvernent à leur gré l’homme entier, comme ces opérations supposent un contact, et le contact une substance corporelle, ne faut-il pas avouer que l’esprit et l’âme sont matériels ?
D’ailleurs, ne voit-on pas l’âme partager les fonctions du corps et les impressions qu’il reçoit ? Si le coup n’est point mortel, si le choc n’endommage point les os et le tissu des nerfs, il en résulte néanmoins une défaillance générale, un doux abandon des membres, une pente délicieuse à tomber, suivie d’efforts combattus par une volonté indécise de se relever. La nature de l’âme est donc corporelle, puisqu’elle subit les atteintes corporelles d’un projectile.
Mais quels sont les éléments de cette âme ? De quelle espèce d’atomes est-elle composée ? C’est ce que je vais t’exposer. Je dis d’abord qu’elle résulte de principes très-subtils et très-déliés : tu en conviendras, si tu réfléchis à l’étonnante promptitude avec laquelle l’âme se décide et agit. La nature ne nous montre point de corps plus actifs. Or cette grande mobilité suppose des éléments arrondis et déliés, qui la forcent de céder aux plus légères impulsions. Si l’eau se meut avec facilité, si la moindre cause la met en agitation, c’est qu’elle a des atomes plus subtils et plus divisés. Au contraire, le miel est plus tardif, sa liqueur plus lente, son écoulement moins facile, parce que ses parties se lient et s’embarrassent, étant moins lisses, moins subtiles et moins arrondies. Le souffle le plus insensible dissipe en un moment un amas de graines de pavots ; mais il ne peut rien sur un monceau de pierres ou sur un faisceau de lances. La mobilité des corps est donc proportionnée à leur petitesse et au poli de leur surface ; et ils ont d’autant plus de consistance que leurs éléments sont plus grossiers et plus anguleux.
Ainsi l’âme, cette substance si mobile, doit être formée