Aller au contenu

Page:Cicéron - Des suprêmes biens et des suprêmes maux, traduction Guyau, 1875.djvu/288

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

afin que tu sois retenu par les charmes de l’harmonie, jusqu’à ce que ton esprit ait puisé dans mes vers la connaissance de la nature et se soit pénétré de l’utilité de cette étude.

XXXVIII
HYPOTHÈSE ÉPICURIENNE DES « SIMULACRES ».

Jusqu’ici, Memmius, je t’ai fait connaître les qualités des atomes et la diversité de leurs figures ; tu sais comment ces éléments de toutes choses, par une tendance qui leur est propre, volent de toute éternité dans l’espace, et comment tous les êtres peuvent résulter de leurs combinaisons ; tu connais la nature de l’âme, les principes qui lui donnent son existence et son activité quand elle est unie au corps, et la manière dont, après sa séparation, elle se résout en ses principes élémentaires.

Je vais maintenant traiter un sujet étroitement lié au précédent. IL existe des êtres auxquels je donne le nom de simulacres, des espèces de membranes détachées de la surface des corps, qui, en voltigeant au hasard dans l’atmosphère, effrayent nos esprits le jour comme la nuit, et leur présentent ces figures monstrueuses, ces spectres, ces fantômes dont l’apparition nous arrache souvent au sommeil : ainsi nous ne devons pas croire que ce soient des âmes fugitives qui abandonnent les rives de l’Achéron, des ombres qui viennent errer parmi les vivants ; et la mort ne peut laisser subsister aucune partie de notre être, quand le corps et l’âme, une fois séparés, ont été rendus l’un et l’autre à leurs éléments.

Je dis donc que de la surface de tous les corps émanent des effigies, des figures déliées, auxquelles conviennent les noms de membrane ou d’écorce, parce qu’elles ont la même apparence et la même forme que les corps dont elles s’échappent pour se répandre dans les airs.

L’esprit le moins pénétrant peut se convaincre de leur existence, puisqu’il y a un grand nombre de corps dont les émanations sont sensibles à l’œil : dans les uns, ce sont des parties détachées qui se répandent en tout sens, comme la fumée qui sort du bois et la chaleur qui s’élance du feu ; dans les autres, c’est un tissu ourdi et serré, comme la