Page:Cicéron - Des suprêmes biens et des suprêmes maux, traduction Guyau, 1875.djvu/302

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déchiré l’homme en proie à ses passions ! Quels ravages ne font pas dans son âme l’orgueil, la débauche, l’emportement, le luxe et l’oisiveté ! Celui qui a dompté ces ennemis, qui les a chassés des cœurs avec les seules armes de la raison, n’est-il pas juste qu’il soit mis au nombre des dieux ? Que sera-ce si le même sage a parlé des immortels en termes divins, et dévoilé à nos yeux tous les secrets de la nature ?

C’est en marchant sur ses traces que je continuerai de t’enseigner combien il est nécessaire que tous les êtres subsistent pendant un temps limité, selon les lois de leur formation, sans pouvoir jamais franchir les bornes prescrites à leur nature. Ainsi, après avoir établi que l’âme naît avec nous, qu’elle ne peut subsister pendant l’éternité, et que ces fantômes, ces images des morts que nous croyons voir en songe, ne sont que de vains simulacres, l’ordre de mon sujet nie conduit à traiter de la naissance et de la ruine future du monde, à expliquer de quelle manière les atomes, par leur assemblage, ont formé la terre, le ciel, la mer, les astres, le soleil, et le globe de la lune.

XLVI
LOIS IMMUABLES DE LA NATURE.

Je t’expliquerai encore les lois que la nature a prescrites au cours du soleil et aux révolutions de la lune, pour t’empêcher de croire que, par un mouvement spontané, ces astres roulent librement de toute éternité entre le ciel et la terre pour l’accroissement des grains et des animaux, ou que leurs révolutions soient dues à la volonté des dieux. En effet, ceux mêmes qui sont persuadés que les dieux vivent dans une profonde oisiveté, en réfléchissant avec admiration aux causes des phénomènes naturels, et surtout de ceux qu’ils aperçoivent au-dessus de leurs têtes, dans les régions éthérées, retombent dans leurs anciens préjugés religieux, et font intervenir des tyrans inflexibles, auxquels, pour comble de malheur, ils attribuent un pouvoir suprême ; ils ignorent ce qui peut ou ne peut point exister, et les limites invariables que la nature a prescrites à l’énergie de chaque être.