Page:Cicéron - Des suprêmes biens et des suprêmes maux, traduction Guyau, 1875.djvu/317

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le monde a eu une origine, s’il doit avoir une fin, jusqu’à quand il pourra supporter la fatigue continuelle d’un mouvement journalier, ou si, assuré par les dieux de l’immortalité, il pourra pendant une infinité de siècles braver les efforts puissants d’une éternelle durée.

Mais, outre cela, quel est le cœur qui ne soit pas troublé par la crainte des dieux ? Quel est l’homme dont les membres glacés d’effroi ne se traînent, pour ainsi dire, en rampant, lorsque la terre embrasée tremble sous les coups redoublés de la foudre, lorsqu’un murmure épouvantable parcourt tout le ciel ? Les peuples et les nations ne sont-ils pas consternés, et le superbe despote, frappé de crainte, n’embrasse-t-il pas étroitement les statues de ses dieux, tremblant que le moment redoutable ne soit arrivé d’expier ses actions criminelles, ses ordres tyranniques ? Et quand les vents impétueux, déchainés sur les flots, balayent devant eux le commandant de la flotte avec ses légions et ses éléphants, ne tâche-t-il pas d’apaiser la Divinité par ses vœux, et d’obtenir à force de prières des vents plus favorables ? Mais en vain : emporté par un tourbillon violent, il n’en trouve pas moins la mort au milieu des écueils ; tant il est vrai qu’une certaine force secrète se joue des événements humains et paraît se plaire à fouler aux pieds la hache et les faisceaux ! Enfin, quand la terre entière vacille sous nos pieds, quand les villes ébranlées s’écroulent ou menacent ruine, est-il surprenant que l’homme, plein de mépris pour sa faiblesse, reconnaisse une puissance supérieure, une force surnaturelle et divine qui règle à son gré l’univers ?

Au reste, l’or et l’argent, l’airain, le fer et le plomb ont été découverts quand le feu eut consumé de vastes forêts sur les montagnes, soit par la chute de la foudre, soit que tes hommes, en combattant dans les bois, employassent la flamme pour effrayer leurs ennemis ; soit qu’engagés par la bonté du sol, ils voulussent convertir les forêts en terres labourables ou en prairies ; soit enfin pour détruire plus facilement les bêtes féroces et s’enrichir de leurs dépouilles ; car on se servait pour la chasse de fossés et de feux, avant d’entourer les bois de filets et de les battre avec une meute. Quoi qu’il en soit, quelle qu’ait été la cause de l’incendie, quand la flamme pétillante eut dévoré les forêts jusqu’à la racine et cuit la terre par son ardeur, des ruisseaux d’or et