Aller au contenu

Page:Cicéron - Des suprêmes biens et des suprêmes maux, traduction Guyau, 1875.djvu/371

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
II
LE DÉSIR.

Les conceptions et les imaginations ne sont réellement rien que du mouvement excité dans une substance intérieure de la tête ; ce mouvement ne s’arrêtant point là, mais se communiquant au cœur, doit nécessairement aider ou arrêter le mouvement que l’on nomme vital. Lorsqu’il l’aide ou le favorise, on l’appelle plaisir, contentement, bien-être, et ce n’est en réalité qu’un mouvement dans le cœur, de même que la conception n’est qu’un mouvement dans la tête ; alors les objets qui produisent ce mouvement sont appelés agréables, délicieux, etc. Ce mouvement agréable est nommé amour relativement à l’objet qui l’excite. Mais lorsque ce mouvement affaiblit ou arrête le mouvement vital, on le nomme douleur. Et, relativement à l’objet qui le produit, on le désigne sous le nom de haine.

Ce mouvement dans lequel consiste le plaisir ou la douleur est encore une sollicitation ou une attraction qui entraine vers l’objet qui plait, ou qui porte à s’éloigner de celui qui déplait Ce mouvement se nomme appétit où désir quand l’objet est agréable, aversion lorsque l’objet déplait naturellement, crainte relativement au déplaisir que l’on attend.

III
LA VOLONTÉ.

Nous avons déjà expliqué de quelle manière les objets extérieurs produisent des conceptions, et ces conceptions, le désir ou la crainte, qui sont les premiers mobiles cachés de nos actions ; car, ou les actions suivent immédiatement la première appétence ou désir, comme lorsque nous agissons subitement, ou bien à notre premier désir il succède quelque conception du mal qui peut résulter pour nous d’une telle action, ce qui est une crainte qui nous retient Ou nous empêche d’agir. A cette crainte peut succéder une nouvelle appétence ou désir, et à cette appétence une nouvelle crainte qui nous ballotte alternativement ; ce qui continue jusqu’à ce que l’action se fasse ou devienne impossible à faire par quelque accident qui survient… L’on nomme délibération ces désirs et ces craintes qui se succèdent les uns aux autres… Dans la délibération, le dernier désir, ainsi que la dernière crainte, se nomme volonté.

Comme vouloir faire est désir, et vouloir ne pas faire est crainte, la cause du désir ou de la crainte est aussi la cause de notre volonté[1]

  1. De la nature humaine, ch. xii.