infraction des lois naturelles vient du faux raisonnement ou de la sottise des hommes, qui ne prennent pas garde que les devoirs et les services qu’ils rendent aux autres retournent sur eux-mêmes et sont nécessaires à leur propre conservation.
La première et fondamentale loi de nature est qu’il faut chercher la paix, si on peut l’obtenir, et chercher le secours de la guerre, si la paix est impossible à acquérir. Je mets celle-ci la première, parce que toutes les autres en dérivent et nous enseignent les moyens d’acquérir la paix ou de nous préparer à la défense[1].
Puisqu’il est nécessaire, pour l’entretien de la paix, de mettre en usage les lois de nature, et que cette pratique demande préalablement des assurances certaines, il faut voir d’où c’est que nous pourrons avoir cette garantie. Il ne se peut rien imaginer pour cet effet que de donner à chacun de telles précautions et de le laisser prémunir d’un tel secours, que l’invasion du bien d’autrui soit rendue si dangereuse à celui qui la voudrait entreprendre que chacun aime mieux se tenir dans l’ordre des lois que de les enfreindre… Le consentement de deux ou de trois personnes ne peut causer des assurances bien fermes… Contre une si petite ligue il s’en trouverait aisément une plus forte ennemie, qui serait pour entreprendre sur l’espérance d’une victoire infaillible. C’est pourquoi il est nécessaire, afin de prendre de meilleures assurances, que le nombre de ceux qui forment une ligue défensive soit si grand, qu’un petit surcroît qui surviendra aux ennemis ne soit pas considérable et ne leur rende pas la victoire infaillible.
Mais, quelque grand que soit le nombre de ceux qui s’unissent pour leur défense commune, ils n’avanceront guère s’ils ne sont pas d’accord des moyens les plus propres, et si chacun veut employer ses forces à sa fantaisie.
Puis donc que la conspiration de plusieurs volontés tendant à une même fin ne suffit pas pour l’entretien de la paix, et pour jouir d’une défense assurée, il faut qu’il y ait une seule volonté de tous, qui donne ordre aux choses nécessaires pour le maintien de cette paix et de cette commune défense. Or cela ne se peut faire si chaque particulier ne soumet sa volonté propre à celle d’un certain autre, ou d’une certaine assemblée, dont l’avis sur les choses
- ↑ C’est au moyen de ces lois naturelles que Hobbes espère faire sortir l’homme de l’état de guerre où il se trouve naturellement, pour le faire parvenir à l’état de paix ou de société.