lui plait[1]. Rien de ce que l’homme peut faire n’est injuste en soi[2].
Si une personne vient à nuire à une autre, du moment qu’il n’existe entre elles aucun pacte, on peut bien dire que celle-là fait tort à celle-ci, mais non qu’elle lui fasse une injustice. Et en effet, que la personne lésée s’avise de demander réparation, l’autre lui dira : « Que me demandez-vous ? pourquoi aurais-je agi à voire gré de préférence au mien ? » — Pour moi, je ne vois rien à répondre[3].
La volonté de nuire est innée chez tous les hommes dans l’état de nature[4].
Rien n’est plus agréable, dans la possession de nos biens propres, que de penser qu’ils sont supérieurs à ceux d’autrui[5].
Les brutes, quand elles ont atteint leur bien-être, ne portent point envie aux êtres de leur espèce ; l’homme au contraire n’est jamais plus nuisible à autrui que lorsqu’il possède abondamment le loisir et les richesses[6].
La loi de nature est ce que nous dicte la droite raison touchant les choses que nous avons à faire ou à omettre pour la conservation de notre vie et des parties de notre corps.
Par la droite raison ou l’état naturel des hommes, je n’entends pas, comme font plusieurs autres, une faculté infaillible, mais l’acte propre et véritable de la ratiocination que chacun exerce sur ses actions, d’où il peut rejaillir quelque dommage ou quelque utilité pour les autres hommes… Je nomme véritable le raisonnement qui est fondé sur de vrais principes et élevé en bon ordre. Car toute
- ↑ « Unicuique licebat facere quæcumque libebat. » (De Cive, cap. i.)
- ↑ « Consequens est, ut nihil dicendum sit injustum ; nomina justi et injusti locum iu hac conditione non habent. » (Leviathan, cap. xiii.)
- ↑ « Ex his sequitur, injuriam nemini fieri posse, nisi ei quocum interpactum. — Si quis alicui noceat, quocum nihil pactus est, damnum ei infert, non injuriam. Etenim si is qui damnum recipit, injuriam expostularet, is qui fecit sic diceret : Quid tu mihi ? Quare facerem ego potius tuo lubitu quam meo ? In qua oratione, ubi nulla intercesserunt pacta, non video quid sit quod possit reprehendi. » (De Cive, cap. iii, 5.)
- ↑ « Voluntas lædendi omnibns inest in statu naturæ. » (De Cive, cap. i, 4.)
- ↑ « Homini autem in bonis propriis, nihil tam jucundum est quam quod alienis sunt majora. » (Leviathan, cap. xvii.)
- ↑ « Animalia bruta, quamdiu bene sibi est, non invident cæteris ; horno autem tum maxime molestus est quaudo otio opibusque maxime ubundat. » (Leviathan, cap. xvii.)