Page:Cicéron - Des suprêmes biens et des suprêmes maux, traduction Guyau, 1875.djvu/57

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et du contentement de tous les philosophes, ce doit être celui auquel tous les autres biens doivent se rapporter, et qui ne se rapporte à aucun autre. Ce bien-là, selon Épicure, est la volupté, qu’il prétend être le souverain bien ; il regarde aussi la douleur comme le plus grand des maux : et voici sa manière de le prouver.

Tout animal, dès qu’il est né, aime la volupté, et la recherche comme un très-grand bien ; il hait la douleur, et l’évite autant qu’il peut, comme un très-grand mal ; et tout cela, il le fait lorsque la nature n’a point encore été corrompue en lui, et qu’il peut juger le plus sainement. On n’a donc pas besoin de raisonnement ni de preuves pour démontrer que la volupté est à rechercher, et que la douleur est à craindre. Cela se sent, comme on sent que le feu est chaud, que la neige est blanche, et que le miel est doux ; et il est inutile d’appuyer par des raisonnements ce qui se fait sentir suffisamment de soi-même. Car il y a différence, dit Épicure, entre ce qu’on ne peut prouver qu’à force de raisons, et ce qui ne demande qu’un simple avertissement. Les choses abstraites et comme enveloppées ont besoin d’étude pour être bien démêlées et éclaircies ; les autres, il suffit de les indiquer. Comme donc, en ôtant de l’homme les sens, il ne reste plus rien, il est nécessaire que sa nature même juge de ce qui est conforme ou contraire à la nature : que peut-elle donc percevoir ou juger qui la porte à rechercher autre chose que la volupté, et à fuir autre chose que la douleur ?