Page:Clapin - Sensations de Nouvelle-France, 1895.djvu/36

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
40
Sensations de Nouvelle-France

endroits si complète, que là, où auparavant existaient des prés, des vergers, des maisonnettes, des granges, ne se voyait plus après coup qu’un épouvantable amas de terres ravagées, au milieu desquelles la rivière, démesurément grossie et sortie de son lit, se frayait une course furibonde et affolée.

D’autres sinistres se succédèrent, gagnant l’embouchure de la rivière, et toujours aussi, chaque fois, avec un caractère si surnaturel de soudaineté foudroyante, que les populations riveraines en étaient arrivées à être absolument hébétées de terreur. Aucune oscillation, ni vibration prémonitoire : subitement les terres s’effondraient, ou plutôt tombaient, comme tirées en-dessous par l’attraction toute puissante de quelque abîme souterrain, et c’était tout.

Au village de Ste-Anne de la Pérade, et un peu en amont, a été construit le pont du chemin de fer du Pacifique Canadien, reposant sur de solides piles en pierres de taille, et dont les approches ont été aussi édifiées en vue de parer aux débâcles les plus violentes. Rencontrant cet obstacle sur leur chemin, les flots courroucés redoublaient de fureur, en imprimant au tablier de fer de longues vibrations résonnantes, qui semblaient autant de gémissements avant-cou-