Page:Clapin - Sensations de Nouvelle-France, 1895.djvu/70

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
74
Sensations de Nouvelle-France

« Je m’explique. Quand le Canada fut cédé à l’Angleterre, nobles, fonctionnaires et marchands étaient presque tous repassés en France, et les prêtres se trouvèrent naturellement amenés — de par le fait de leur éducation et de leur ascendant moral — à prendre en mains la conduite des Canadiens-Français. Ils s’emparèrent donc, comme de leur chose, des soixante-dix mille habitants restés au pays, et il se trouva que le système de théocratie qu’ils leur appliquèrent, et qui était leur grand rêve secret depuis les démêlés de Frontenac et de Mgr de Laval, contribua énormément, en gardant au catholicisme toute sa ferveur, à maintenir intactes les traditions et la langue de la France.

« Mais alors, c’est admirable, allez-vous me répliquer. C’est bien aussi ce que tout le monde pense en ce pays, sans s’arrêter à scruter le fond des choses. Les examens de surface sont d’ailleurs la règle parmi la population, habituée à une grande paresse d’esprit. On ne s’est jamais dit, par exemple, que ce qui était excellent à la suite de la conquête — à cette époque si sombre de notre histoire où nous étions comme des enfants abandonnés — pourrait ne pas s’adapter aussi bien par la suite à notre adolescence, puis à notre âge mûr. Et, confiants, nous avons