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LES JACQUES

à mal femmes et filles, et quand ils ne pouvaient emporter, allumant l’incendie aux fourrages et brûlant les denrées de toutes sortes sur lesquelles ils avaient fait main basse. S’ils croyaient à quelque cachette, ils grillaient les pieds pour obtenir un aveu. Quand ils partaient enfin, ils laissaient le pays rasé, anéanti, dans l’épouvante de leur retour. Ce fut à ce point dans le Beauvaisis que les habitants abandonnés de leur seigneur creusèrent la terre, se réfugiant en de longues allées voûtées percées à même la roche. Ils les séparèrent en une enfilade de chambres, prenant air et jour, à grand’peine, par l’ouverture du puits placé au milieu. Durant d’interminables semaines, ils demeurèrent entassés, n’osant sortir. Des femmes y moururent, sans secours d’aucune sorte, et aussi des enfants. De temps à autres timidement, un homme se risquait au dehors pour aller jusqu’au clocher, afin de reconnaître si les ravageurs s’étaient retirés. Parfois l’homme ne revenait pas, attaqué sur la route, supplicié pour n’avoir point trahi leur repaire. Aux champs sans culture, la ronce et les herbes folles envahissaient les sillons. Affamées par cette désolation des campagnes dans l’impossibilité de semer et de récolter, certaincs villes se tournèrent aussi contre une noblesse terrée en ses châteaux, incapable de contraindre à la paix la vermine batailleuse qui dévorait le pays plat. Cet après-midi de mai, sur la place de Saint-Leu- - 148 -

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