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LES JACQUES

de-Cherunt, une douzaine d’archers de la garnison du sire de Beauvaisis s’égayaient à tirer de l’arc. Avec une étourderie qui sentait de près une méprisante arrogance, ils lançaient leurs flèches bien moins souvent sur l’oiseau de bois servant de but que sur les manants à leur portée. Des murmures s’étaient fait entendre. Avec les quilles et le palet, le jeu de l’arbalète était la passion des paysans. Par ordonnance seigneuriale, ce jeu venait d’être interdit, tellement on craignait toute arme aux mains des Jacques. L’insolence des archers de Beauvaisis paraissait évidente provocation. Sur la gauche de la petite place, une auberge ouvrait sa porte et sa fenêtre, baie longue et peu haute, au-dessus de laquelle se balançait, grossièrement enluminée : Au Soulcy d’argent, dont le jeu de mots annonçait, symbolisé par une fleur d’un gris qui se voulait argenté, les préoccupations monétaires de l’hostelier. Après s’être massés contre l’auberge pour contempler avec envie et colère ce jeu d’arbalète qui leur était défendu, les paysans voyant maintes flèches s’égarer prirent le parti de pénétrer un à un dans l’auberge. Plusieurs fois déjà, les archers étaient entrés humer le pot au Soulcy d’argent, salle sombre, mais très propre, garnie de bancs, de tables et de pichets d’étain. L’aubergiste César les servait, tout en les surveillant d’un air sombre. Brun de poil, rouge de peau, les bras nus, taillé en hercule, - 149 -

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