Page:Claretie - Édouard Pailleron, 1883.pdf/32

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de Saint-Victor écrivait, d’une main que faisait déjà trembler la mort :

« Les mots pétillent dans le Monde où l’on s’ennuie ; il en part de toutes les répliques, c’est un feu de joie. Et ces mots ne sont ni martelés ni plaqués à la façon de tant d’autres pièces ; ils jaillissent de la situation, ils sortent naturellement du personnage qui les lance. Nul effort et nul cliquetis ; le dialogue étincelle sans être battu. Ce qui plaît encore dans cet esprit si piquant, c’est son amabilité et sa belle humeur. Le trait n’y est point trempé d’amertume ; il vise juste, touche à l’endroit sensible le ridicule attaqué et s’arrête au point où la blessure commencerait. — Il n’y a pas que de l’esprit dans la comédie de M. Pailleron ; le sentiment se faufile à travers les broderies brillantes. Sa petite critique de cœur n’est, sans doute, ni bien serrée ni bien neuve ; mais elle suffit à l’intérêt si vivement distrait à l’entour par le jeu des épisodes et des caractères. Des nuances d’émotion jeune et tendre rafraîchissent sa légère trame. Les amours à l’aveuglette de Roger et de sa pupille sont délicatement esquissées. Il y a une larme dans le rôle printanier de Suzanne, et cette larme coule à point dans une comédie presque bouffe en quelques endroits : elle modère à propos ses rires et elle attendrit sa gaieté[1]. »

Et M. Sarcey citait la définition que La Rochefoucauld a donnée de la gravité : « La gravité est un mystère du corps inventé par les sots pour cacher le défaut d’esprit », en ajoutant que ce qui était vrai au xviie siècle, un siècle

  1. Moniteur universel du 2 mai 1881.