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Cardinal et buriné les scènes de l’Invasion, évoquer la physionomie de ce moraliste lettré qui s’appelait Prévost-Paradol et dont l’influence, je le répète, fut si profonde sur l’esprit d’Halévy. Mais ce portrait d’un délicat, — malheureux comme tous les délicats, — nous entraînerait trop loin. Jusqu’en 1870, l’auteur de Criquette a, pour ainsi dire, vécu de la vie de Paradol autant que de la sienne, jusqu’au jour (c’était le 2 juillet 1870) où ils se séparèrent dans la rade de Brest. Il y a même là un tragique souvenir à noter avant d’aller plus loin. Halévy était allé avec Paradol du Havre à Brest sur le Lafayette, le transatlantique qui conduisait à New-York le publiciste devenu ambassadeur. Le Lafayette devait faire escale à Brest de onze heures du matin à trois heures. Henri Rivière, le héros d’Hanoï, était alors à Brest, second à bord de la Thétis. Halévy l’avait averti ; il vint prendre les deux amis dans son canot ; on déjeuna à Brest : Paradol, la fille aînée de Paradol, son fils, Henri Rivière et Halévy. Cinq ! Et des cinq il ne reste que celui dont j’esquisse la physionomie. Les autres sont tous morts tragiquement, car n’est-ce pas une mort tragique que la mort