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Gymnase. Il s’en tint là et mit la Fille d’un Mécène dans un tiroir ; elle y est encore.

« L’auteur de Criquette reprit alors philosophiquement sa place au ministère d’État, et, toujours sur le papier du gouvernement, il se mit à écrire un petit roman intitulé : le Petit Bossu de Nizerolles. Il l’envoie à un journal ; on lui répond : « C’est trop court pour un roman. » À un autre journal, on lui répond : « C’est trop long pour une nouvelle. » Le Petit Bossu de Nizerolles va rejoindre dans le tiroir la Fille d’un Mécène. Je voudrais bien que ce tiroir nous rendît ce qu’il nous a pris.

« Halévy, du reste, se sentait un peu découragé ; les abords de la carrière dramatique et littéraire lui apparaissaient très durs. Son père ne lui cachait point qu’il est malaisé de réussir du premier coup. Et Ludovic inédit, ou à peu près, avait déjà doublé le cap de la majorité !…

« Un jour, vers le milieu du mois de juin 1855, il était au ministère, dans son bureau… Il avait un bureau à lui, tout seul !… Sa porte s’ouvre, quelqu’un entre. C’était Offenbach ; Ludovic ne le connaissait que de vue. Il y avait alors un orchestre au Théâtre-Français, Offenbach en était le chef ; et les jeunes employés du ministère d’État, Halévy en tête, passaient la plupart de leurs soirées au Théâtre-Français. On recevait, en effet, tous les jours, au ministère, des montagnes de billets de faveur. Quand Rachel ne jouait pas, la salle était vide ; et elle ne jouait presque jamais.

« Ce n’était qu’un cri alors sur la décadence irrémédiable du Théâtre-Français. Le ministre gémissait, et la critique disait à l’administrateur du Théâtre-Français :

« Attirez les auteurs à succès ; jouez des pièces nouvelles. Quand vous donnez des comédies de l’ancien répertoire, obligez les chefs d’emploi à en tenir les rôles principaux !… Vous ne nous montrez que des doublures ; or, les doublures sont là pour doubler, non