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pour jouer ! Faites de l’argent, enfin faites de l’argent ! La Comédie-Française doit faire de l’argent ! »

« Il y a de cela bientôt trente ans. Or on crie aujourd’hui à l’irrémédiable décadence de la Comédie-Française. Mais combien le langage est différent pour arriver à la même conclusion.

« Vous jouez trop de pièces à sensation, vous avez trop de succès et de trop longs succès ; c’est scandaleux ! quand on donne des pièces de l’ancien répertoire, vous faites jouer les chefs d’emploi… Nous demandons les doublures ! Et alors le Théâtre-Français reverra la salle vide d’autrefois ; c’est ce que nous voulons. Le Théâtre-Français ne doit pas faire d’argent !… »

« Donc, vers le milieu du mois de juin 1855, Offenbach entre dans le bureau de Ludovic Halévy. Ludovic lui offre une chaise. Offenbach s’assied et commence :

« Il paraît, monsieur, que vous avez de grandes dispositions pour le théâtre. »

« Et alors, Ludovic, ravi :

« Qui vous a dit cela ? Alphonse Royer ?

— Non.

M. Montigny ?

— Non.

— Qui donc alors ?

— C’est Duponchel.

M. Duponchel ?… Ah ! oui, je comprends ! Mais cela ne prouve pas grand’chose.

— Parce que ?

— Parce que c’est moi qui le lui ai dit.

— Je suis dans l’embarras, continue Offenbach ; je vais ouvrir dans quinze jours un petit théâtre aux Champs-Élysées ; Lambert Thiboust s’était chargé de m’écrire un prologue ; mais il est écrasé de travail. Voulez-vous écrire ce prologue à sa place ? »

« Halévy était ébloui. Un directeur venait à lui, lui faisait des propositions ; il allait travailler sur commande ! La tête lui tournait ! Il accepta avec enthousiasme.