Page:Claretie - Petrus Borel, le lycanthrope, 1865.djvu/123

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ravin, et chaque matin il fallait remonter la maison à sa place, au moyen d’un câble ou d’un cabestan.

Bâtir une maison, même sur le sable, même sur la glaise, est une chose facile ; mais la meubler, c’est là le chien-dent, comme on dit au village. Les tapisseries et les meubles sortent tout payés du cerveau des romanciers : aussi leurs héroïnes et leurs personnages sont-ils habituellement fort bien nippés. — La vie réelle offre des tapisseries moins commodes.

Dans ce manoir tout neuf, qui semblait, comme font certains gamins sur les rampes des montées, jouer à écorche-derrière sur le coteau, on ne voyait donc, pour toute garniture, quoiqu’il fût assez vaste, qu’une soupière pleine de café à l’eau ou à la crème, deux rames de papier, et quelques hôtes ou collaborateurs mangeant des oignons du clos et des épinards ; — car le maître tenait pour opinion, du moins alors, que l’oignon donne de l’essor à l’esprit le plus épais, et que les épinards ne sont pas le balai de l’estomac, mais le fouet de l’imagination. Ce qu’il y a de certain, c’est que ce régime mettait souvent ces pauvres gens en alerte, et les forçait, la nuit, sinon à se relever, attendu qu’en cette académie rurale on ne se couchait pas — à faire toutefois de fréquentes sorties dans la plaine.

Notre illustre plume avait tracé elle-même le plan de sa maison, et dans le trouble d’une possession nouvelle et d’une préoccupation éthérée, hélas ! elle avait oublié un lieu sans nom dans un journal, mais bien nécessaire dans une maison.

Dans le cabinet de travail du maître, une nudité