Page:Claretie - Petrus Borel, le lycanthrope, 1865.djvu/124

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plus grande encore régnait de toutes parts. — Il n’y avait rien, absolument rien, que lui, notre grand romancier et son auréole. Il se contentait avec raison de le remplir de sa gloire.

Recette. — Prenez un romancier célèbre, mettez-le dans un hôtel vide, et vous avez aussitôt un hôtel garni.

Il est vrai de dire pourtant qu’on voyait dans une pénombre, et placé sur une cheminée ignorant encore l’usage du feu comme certaines peuplades de l’Australie, un buste en plâtre de quatre francs dix sous, représentant l’autre grand homme — c’est-à-dire Napoléon.

Sur le socle on lisait, écrit au crayon de la main même du vaste orateur, hardiment mais avec modestie, ces paroles significatives et impériales :

« Accomplir par la plume ce qu’il voulut accomplir par l’épée, et ne pas mourir à Sainte-Hélène ».

Au rez-de-chaussée étaient semés, çà et là, dans les celliers et les salles d’attente, cinq ou six futailles ou tonneaux vides ; dans les uns, l’illustre écrivain nourrissait pastoralement des lapins ; dans les autres il serrait ses manuscrits et ses livres. Mais, que de fois, plongé dans ces rêveries abstraites, ces chiffres immenses, ces distractions si naturelles aux grands penseurs, lui arrivait-il, se trompant de tonneau, de mettre ses livres avec ses lapins et ses feuilles de choux avec ses livres !