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Page:Claretie - Petrus Borel, le lycanthrope, 1865.djvu/25

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éclaire tristement l’époque de ses débuts :

Que de fois, sur le roc qui borde cette vie,
Ai-je frappé du pied, heurté du front d’envie.
Criant contre le Ciel mes longs tourments soufferts :
Je sentais ma puissance et je sentais des fers !
Puissance…, fers…, quoi donc ? — Rien ! Encore un
Qui ferait du divin ; mais sa muse est muette, poëte
Sa puissance est aux fers. — Allons ! on ne croit plus,
En ce siècle voyant, qu’aux talents révolus.
Travaille, on ne croit plus aux futures merveilles.
Travaille !… Et le besoin qui me hurle aux oreilles.
Étouffant tout penser qui se dresse en mon sein
Aux accords de mon luth que répondre ?… J’ai faim

J’ai faim ! C’est le dernier mot du livre les Rhapsodies. Il revient plusieurs fois sous la plume de Borel. Le poëte met souvent en tête de ses vers des épigraphes qui sentent la misère ; il cite, en parlant d’un de ses frères, Bénoni Borel, mort tout jeune, une ligne de Condorcet : « Sa jeunesse ne fut pas toujours à l’abri du besoin. » La remarque pouvait s’appliquer à lui-même. Mais il portait sa misère comme le jeune Spartiate portait le renard qui lui ron-