Page:Claretie - Petrus Borel, le lycanthrope, 1865.djvu/57

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

cigaritos. » Puis il chante. Il y a trente-quatre pièces de vers dans son recueil, toutes inspirées par une sauvagerie excessive, une âpreté d’idées presque toujours originale. — Les vers sont durs, rocailleux, bizarres, pleins de hiatus, souvent obscurs, quelquefois incompréhensibles, — et pourtant, en dépit de cette faiblesse de versification, malgré tous les défauts, malgré l’uniformité, malgré les grossissements de voix, il y a là un accent qui touche, une douleur qui étreint, une poignante mélancolie. La pièce à Jules Vabre, que j’ai citée, — une des meilleures et la meilleure peut-être du recueil, — est vraiment originale, vraiment émouvante. J’ai noté ces vers dans une pièce appelée Désespoir.

Comme une louve ayant fait chasse vaine,
Grinçant les dents, s’en va par le chemin,
Je vais, hagard, tout chargé de ma peine.
Seul avec moi, nulle main dans ma main ;
Pas une voix qui me dise à demain.

Le dernier hémistiche est digne d’Antony :

Mes pistolets sont là. Déjouons le hasard !