Page:Claude Boyer - Les amours de Jupiter et de Sémélé, 1666.djvu/93

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Je crains pour Sémélé cette pompe mortelle :
Ainsi dans cet état, Amour tu le sais bien,
Quand je fais tout trembler, mon cœur tremble pour elle.

Après que Jupiter est descendu,
MOMUS.

Quoi pour une mortelle apporter ici-bas
Cette affreuse beauté, ces dangereux appas !

JUPITER.

Tu ne vois qu’un essai de cet éclat terrible,
Qui doit rendre à ses yeux tout Jupiter visible :
De peur d’offrir ici ma gloire à d’autres yeux,
J’affaiblis tous les traits du grand maître des Dieux ;
Ils sont pour ma Princesse, et ce n’est qu’auprès d’elle
Que je veux étaler cette pompe immortelle.
Tu l’as vue, et tu sais jusqu’où va cette ardeur,
De voir toute ma gloire, et toute ma grandeur.

MOMUS.

Oui, mais quand vous venez contenter son envie,
Songez-vous bien au moins au péril de sa vie ?

JUPITER.

Je connais le péril, il n’en faut point douter :
Mais Jupiter l’a dit, il faut l’exécuter.
Contre un serment lâché tout respect est frivole,
Et le destin n’est pas plus sûr que ma parole.
Tout le sort des mortels est trop à négliger,
Quand pour eux notre gloire est en quelque danger,
J’aime, mais j’aime en Dieu, sans honte et sans faiblesse,
La gloire fut toujours ma première maîtresse ;
Si je prête à l’amour ma gloire et mon pouvoir,
Je sais sacrifier l’amour à mon devoir.
J’adore Sémélé, le péril est extrême ;
Montrant ce que je suis j’expose ce que j’aime ;
Sa curiosité lui va coûter le jour ;
Je le vois, tout mon cœur tremble pour mon amour.