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surtout ce sentiment profond de la musique, avoué en si peu de mots, mais si émus. On peut reconnaître un goût très pur, mais généreux, capable de comprendre tout ce qui, dans le passé, fut beau par nature : le chant grégorien, les œuvres du xvie siècle, Bach, Mozart, Rameau. L’emphase du romantisme lui est ennemie. Cependant Beethoven reçoit des éloges, parfois magnifiques, pour le zèle dont il servit son art. Mais Wagner n’est jamais épargné. « La symphonie avec chœurs, écrit-il un jour, fut jouée le Vendredi-Saint chez M. Chevillard avec une compréhension qui élève ce chef d’orchestre au dessus des plus grands ; elle était en compagnie de quelques faisandés chefs-d’œuvre de Richard Wagner. Tannhaeuser, Siegmund, Lohengrin, clamèrent une fois de plus les revendications du leitmotiv ! La sévère et loyale maîtrise du vieux Beethoven triompha aisément de ces boniments haut casqués et sans mandat bien précis ».

Ainsi se trouva confirmé ce que déjà sa musique avait appris : qu’il nous délivrerait du prestige wagnérien ; on sait qu’il l’avait subi lui-même en sa première jeunesse ; puis le charme s’était rompu pour toujours. Aujourd’hui, il est rompu aussi pour nous ; la renaissance, non de notre musique seulement, mais, comme l’a vu Nietzsche, de la musique entière, était à ce prix.