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Wagner n’a rien inventé ; il a seulement abusé ; après lui, tout devait être renouvelé.

C’est le 30 avril 1902 que parut, à l’Opéra-Comique, Pelléas et Mélisande. S’il n’avait tenu qu’à M. Marterlinck, jamais l’ouvrage n’eût été représenté. Si l’on s’en rapportait aux musiciens de l’orchestre, on préparait un insuccès qui irait jusqu’au scandale. Si l’on interrogeait les compositeurs de musique contemporains de l’auteur, un spirituel sourire découvrait leur denture, et l’espoir rayonnait sur leurs faces : non, certes, un tel rival n’était pas redoutable. On plaignait la folie de M. Albert Carré, directeur du théâtre, qui s’obstinait ; de M. André Messager, chef d’orchestre, qui poursuivait avec un soin enragé le travail des répétitions ; de M. Jusseaume, qui avait brossé des décors dignes de longs destins ; de Mlle Garden, débutante de grand talent, et de MM. Jean Périer, Dufranne et Vieulle, artistes consommés, qui s’étaient épris de leurs rôles. La chute était si bien escomptée que le programme quasi-officiel, vendu à l’intérieur du théâtre, alléchait le public d’une analyse ironique, agrémentée, entre parenthèse, de points d’exclamation et de hums réticents ; d’où un procès, que l’entrepreneur de cette publication devait perdre. L’auditoire choisi de la