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répétition générale et de la première, composé, comme on sait, d’invités, donna raison au programme : on s’étonnait, on protestait, on riait, on faisait des mots ; et l’on sortait avec l’agréable certitude de s’être égayés à un spectacle dont beaucoup seraient privés, car il ne passerait pas, croyait-on, la quatrième soirée. Mais on comptait sans les debussystes ; ils vinrent, dès qu’on les laissa entrer, c’est-à-dire dès la troisième représentation, et ils applaudirent. Ils revinrent ; et, comme les billets de faveur ne s’attribuent jamais aux fervents de musique, ce zèle eut pour conséquence première une favorable élévation des recettes. Le « Tout-Paris des premières » n’était plus là, appelé à d’autres réjouissances gratuites. Le succès s’annonça, se confirma ; bientôt, c’était un enthousiasme dont on n’avait plus eu d’exemple depuis Wagner. Six, huit, dix rappels, après chacun des actes, ne suffisaient pas à calmer le délire où chacun donnait cours à l’excès de son émotion. Il en est ainsi aujourd’hui encore ; mais les fidèles sont devenus plus nombreux. Certes la beauté de toute autre musique ne leur est pas étrangère ; mais celle-ci les a atteints aux sources mêmes de leur vie, qui en demeure imprégnée à jamais. À ceux qui ne sentent pas ainsi, ils ne demandent que de les laisser libres, allant eux-mêmes où il leur plaira.