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qu’il est nécessaire de démêler, pour l’accommoder au sentiment moderne. La puissance de Bach, la sérénité de Haendel, la rigueur de Rameau, les jeux de Mozart, tous ces biens pouvaient nous revenir, mais par des voies différentes. On commençait d’ailleurs à s’en douter. Ceux de nos musiciens dont le goût cultivé n’était arrêté par aucun parti-pris s’appliquaient, chacun à sa manière, à doter notre musique d’une grâce nouvelle. Ernest Chausson y fût parvenu, s’il lui eût été donné de vivre assez pour oublier Franck comme Wagner, n’écoutant plus que la tendre mélancolie de son cœur. Gabriel Fauré, musicien attique, savait déjà modeler des œuvres où une délicatesse raffinée se soumettait sans effort, non à la symétrie classique, mais aux lois non écrites des belles lignes et des mouvements harmonieux. Il connaissait son temps : fervent admirateur des poètes contemporains, il fut le premier, peut-être, à chanter Verlaine ; et touché, lui aussi, de la profonde émotion recluse en Pelléas et Mélisande, il écrivait pour cet ouvrage, en même temps que Debussy son drame, une musique de scène. C’est par lui que la renaissance de notre musique a commencé.

C’est alors aussi que l’exemple encourageant des musiciens russes nous fut connu. Indépendants de toute tradition, et personnellement hostiles à Wagner,