Page:Claude Debussy, Louis Laloy.pdf/50

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
48

ils avaient voulu créer une musique qui appartint en propre à leur pays, et y étaient presque parvenus, les uns en imitant les chants populaires et en les parant d’un orchestre diapré ; l’autre, qui est Moussorgski, trouvait en lui-même une puissance d’émotion qui l’égale aux maîtres du roman, et surtout à Dostoïevski, comme lui ivre de vie, sauvé comme lui des révoltes romantiques par l’immense pitié dont il absout tous les êtres. Par malheur, aucun de ces musiciens n’est arrivé à se faire un style sans défaut ; les premiers, mal instruits, se contentent d’une harmonie d’école, qui porte gauchement ses brillants costumes ; le second, ayant peu appris, se méfie de lui-même, écoute les conseils, se corrige, et jamais n’arrive à soutenir une inspiration. Mais ils ont rendu à la musique deux sentiments dont le romantisme amer l’avait sevrée : la joie et la bonté.

Claude Debussy n’a pas suivi les enseignements de Franck, et jamais il n’a été touché de naïves effusions dont il sentait trop le mauvais goût. Il a été conquis par la grandeur de Wagner, mais pour un temps très court : seule la Damoiselle élue témoigne quelque peu d’une admiration que le Printemps ignore, et que les compositions suivantes ont répudiée