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peuvent, avec autant de droit, prendre les mêmes notes en des acceptions opposées. On peut croire aussi que Moussorgski a encouragé Debussy à chercher un chant plus vrai. Mais ils s’y prennent chacun à sa manière : le premier ne connait pas de milieu, entre l’air caractérisé et l’exacte transcription du langage parlé. C’est justement ce milieu que cherche le second ; il veut une mélodie fidèle aux accents du discours, mais toujours musicale par elle-même. Enfin, Boris Godounov se compose d’épisodes séparés, entre lesquels la musique n’établit aucun lien, au lieu qu’une trame suivie se tisse autour de Pelléas, manifestant le progrès fatal des sentiments.

Bien plus que les compositeurs russes, ce sont les musiciens populaires du pays, surtout les tsiganes de Moscou et des envions, qui ont laissé à Debussy un souvenir durable. Ces tsiganes ne sont pas de contrefaçon, comme les nôtres, et ils ne brandissent pas des archets séducteurs : ils chantent, pour le plaisir de s’entendre. Leurs rythmes sont vifs, leurs mélodies chaleureuses et suaves ; ils les improvisent, ainsi que leurs accompagnements, conduits par l’instinct seul : la musique est leur vie. Au jeune Français qui les écoutait avec ravissement, ils ont appris la fantaisie. Ils lu ont conseillé de se livrer hardiment à tous les mouvements de sa pensée, certifié