Page:Claude Debussy, Louis Laloy.pdf/59

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
57

C’est à leur école que Verlaine et Mallarmé ont gagné leur habileté de main. Bientôt las de ces jeux d’atelier, l’un et l’autre s’avisent que les apparences du monde, vaines par elles-mêmes, prennent un sens profond si on les associe aux idées qu’elles éveillent en nous. C’est à montrer ces relations que s’attache le symbolisme ; il ne fait ainsi qu’épuiser la richesse d’un procédé immanent à toute poésie, qui se nomme l’image. Mais ces transpositions suivies lui permettent d’évoquer sans analyse les plus subtiles nuances de nos émotions ; ces liaisons qu’il ne tranche jamais, ces perpétuels échanges de la conscience au phénomène, peuvent, par une sorte de mythologie nouvelle et spontanée, prêter une vie à la matière, une forme à la pensée ; quant à l’incohérence et à l’obscurité, elles sont évitées sous la seule condition que le poète trouvera les justes rapprochements et les frappantes analogies. La raison commune a perdu ses droits, mais une autre raison la remplace, concrète et non plus abstraite, qui gouverne la vie des choses comme des êtres, et ne peut être connue que par l’intuition. La poésie n’est plus fondée en logique, mais en métaphysique. Les mots ne seront plus choisis pour la seule notion qu’ils indiquent à l’esprit, mais dans la plénitude de leur sens, c’est-à-dire avec tout le cortège de sensations qu’ils éveillent par leur forme et par