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qui est au premier plan, à la différence des anciennes formes de la sonate et de la suite, où il ne servait que de support à des mélodies et des harmonies intéressantes par elles-mêmes. La musique classique est donc abstraite à un très haut degré, beaucoup plus, par exemple, que la tragédie, qui, soumise à des règles, tâche d’y enfermer le plus qu’elle peut de vérité humaine ; la symphonie met les règles en avant, s’en fait gloire et joie, sans nul souci de signifier rien. C’est un jeu qui peut devenir divin, par la grâce de Mozart, mais demeure distant de notre vie, et bon, le plus souvent, pour les heures d’insouciance, où l’esprit s’amuse à des combinaisons sans objet.

Les musiciens romantiques ne pouvaient se contenter de ces divertissements : ils veulent que la musique soit faite à leur image. C’est pourquoi ils changent dès l’abord les attributions de la mélodie, qu’ils chargent d’exprimer, non plus des tons, mais des sentiments. Beethoven, dès sa maturité, trouve des phrases si vigoureuses de rythme, si fortes d’accent, si caractérisées, si éloquentes, que vraiment il ne leur manque que la parole, et l’on comprend ce vieux professeur du Conservatoire qui se permettait d’y adapter des vers de sa façon, opérant ce qu’au xviie siècle on appelait une parodie. Dès lors l’idée musicale l’emporte sur le ton, et la construction classique n’est