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toute différente cependant, parce qu’elle part de données sensibles et non abstraites. Il vaudrait mieux employer le mot de stylisation, qui appartient aux arts du dessin. Justement, ils cherchent eux-mêmes, depuis quelques années, à relever la vérité de l’impressionnisme par l’accent des partis-pris. Ici encore la musique est avec eux : c’est le Faune des Fêtes galantes, dont l’angoisse se trace en un seul égrènement de flûte, sur un rythme étouffé ; c’est la Grotte, qui enferme en de brefs intervalles la tristesse de l’eau dormante ; et la Lune descend sur le temple qui fut, évoquant par des touches précises la méditation d’un vaste paysage sous l’incertitude des rayons ; les voix de la Mer s’élèvent, joyeuses, graves, légères, plaintives, sirènes dévoilées dont les glauques regards fascinent ; c’est encore, dans Children’s Corner, la danse des flocons mélancoliques, ou le bercement attentif des sages éléphants : prodiges de raccourci, où des traits de candeur enfantine accusent une pénétrante émotion. Enfin, les trois Chansons de Charles d’Orléans ont fait revivre une forme abandonnée depuis le xvie siècle, non sans motif : tout s’y trouve à découvert ; nul secours à attendre des couleurs, ni des figures instrumentales. Quatre, cinq ou six lignes simples se meuvent en pleine lumière, et font tout le tableau. Une défaillance, un point de raideur ou d’enchevêtrement, et tout est