Page:Claude Debussy, Louis Laloy.pdf/92

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
90

perdu. À cette épreuve on a pu juger comme la mélodie de Claude Debussy était résistante. Ni Roland de Lassus, ni Costeley n’en ont eu de plus souplement fortes. Et pourtant ce sont des sentiments qu’ils n’ont pas poussés à ce point de délicatesse : une adoration plus fervente, une nonchalance plus douce, une joie plus tendre. Ainsi se trouve renouée une tradition de plénitude rigoureuse que l’on pouvait croire perdue, et qui est proprement française ; c’est celle de nos musiciens aristocratiques, que Lully et Gluck, comme on sait, ont combattue. Ce n’est pas un hasard que Claude Debussy s’inspire aujourd’hui de nos anciens poètes, ni que l’une de ses Images est un Hommage à Rameau, le dernier et le plus fier, parmi ceux qui ont satisfait à ce goût de nos élites, jusqu’à la renaissance d’aujourd’hui.

Il est bien clair qu’un art de cette qualité ne sera jamais populaire. Mais un art qui efface les différences d’éducation et de culture est une utopie de plus en plus chimérique. C’est une vérité banale, que l’instruction, à mesure qu’elle se répand, accroît les distances. On peut changer le recrutement des classes, et nous arrivons à ce qu’il soit plus juste, puisque la naissance y a moins de part. Un temps approche, où l’intelligence seule décidera du rang. Mais il n’y en aura pas moins un peuple pour cela ; il sera mieux défini qu’aujourd’hui ; il aura ses musiciens, ses