Page:Claude Leleu - Histoire de Laon, ms. inédit, t. II, (p. 677-692, p. 884-885).pdf/15

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Retz, cet esprit sublime, en faisoit tant de cas qu’il l’avait toujours sur sa table. Il le faisoit porter dans tous ses voyages et ne le perdoit pas de vuë. M. Abelly évêque de Rhodez, dans un livre qu’il dédia au Pape Alexandre VII fait une honorable mention de Matthieu Beuvelet et le met au nombre des écrivains ecclésiastiques.[1] M. de Bourlon, évêque de Soissons, en faisoit une singulière estime et admiroit l’ordre et la méthode de ce livre.[2] M. Bailly, abbé de S. Thierry et advocat général au Grand Conseil a déclaré que le livre des Méditations de M. Beuvelet fut cause qu’il n’osa se présenter à la prestrise parce qu’il y reconnut d’une manière si précise les obligations et engagemens des prestres qu’il crut n’avoir pas assez de vertu pour s’en acquitter.[3] On pourroit encore rapporter d’autres témoignages en faveur de ce livre, mais il suffit de dire qu’il a l’approbation de tout le clergé puisque les archevêques et évêques en ordonnent la lecture dans tous leurs séminaires et communautés. En un mot, il a esté traduit en plusieurs langues et les éditions en ont esté multipliées.

La grande application de Matthieu Beuvelet à l’étude et au ministère ecclésiastique altéra si fort sa santé qu’il fut obligé d’aller à Forges[4] pour en prendre les eaux où il continua de donner des marques de son zèle, instruisant et catéchisant sur sa route et dans ce lieu. Il luy arriva une rencontre où sa modestie et sa patience triomphèrent. Un religieux l’étant venû trouver et luy parlant de la grâce, il luy respondit d’une manière qui ne le contenta pas. Ce religieux fasché le traita de jeune homme, d’écolier, d’ignorant. Matthieu Beuvelet

  1. Il s’agit de Sacerdos christianus, Paris, Georges Josse, 1656. L’ouvrage est entièrement rédigé en latin. On y lit, [p.6] de la Praefatio : « Prodiit etiam nuperrime liber hoc inscriptus titulo (Meditationes super proecipuis veritatibus tum Christianis, tum Ecclesiasticis & c.) authore M. Matthaeo Beuvelet sacerdote Seminarii sancti Nicolai de Cardineto Parisiis; cujus quidem quanta futura sit utilitas, testatur vel unanimis ipse piorum ecclesiasticorum consensus & affectus, quo ad usum omnium prope nostrae Galliae seminoriorum exceptus est ».
  2. C’est Monseigneur de Bourlon qui conféra les ordres mineurs à saint J.B de La Salle, le samedi 17 mars 1668, veille du dimanche de la Passion. C’était à Reims dans la chapelle de l’archevêché par délégation du cardinal Barberini. Contrairement à ce qu’affirment les premiers biographes (Bernard Maillefer et Blain), La Salle ne reçut pas ce jour-là le sous-diaconat. Mises aux point et publication du document d’ordination en CL 41, 2, pp. 195-203·
  3. On se tromperait sur l’exacte signification de cette phrase si l’on oubliait le contexte social dans lequel elle est écrite. En effet :
    a) La prêtrise était une promotion sociale au xviie siècle fort convoitée : elle donnait accès à des « bénéfices » et à la gloire d’une « carrière » honorée qui constituaient autant de «tentations » pour des caractères faibles.
    b) La désertion du sacerdoce ou du moins de ses exigences fondamentales, par une vie maritale inconciliable avec l’état ecclésiastique était alors malheureusement fréquente.
    c) La stabilité dans l’état de vie sacerdotal suppose à toutes les époques une maîtrise de soi chez les candidats à la prêtrise qui ne s’improvise pas surtout à une époque au cours de laquelle les séminaires n’étaient pas encore solidement et durablement organisés.
  4. En cela Beuvelet ne faisait qu’imiter Cailleaux et Vuyart, à la santé fragile. Forges-les-Eaux, à une cinquantaine de kilomètres de Dieppe et à environ 200 de Paris, était une station thermale réputée. Cf. Schoenher, t. I, p. 71.