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respondit à ces injures par toutes les raisons qu’il jugea à propos mais il les donna avec tant de modestie, de douceur et de charité que la vivacité du religieux devait en estre arrêtée. Il persista cependant dans ses paroles violentes et [p. 686] l’autre dans ses manières obligeantes qui surprirent si fort les assistans qu’ils vouloient mettre ledit religieux à la porte, lequel étant retourné à son couvent et venant à faire réflexion sur la bizarrerie de sa conduitte et la patience dudit Beuvelet retourna le lendemain le voir, se jetta à ses pieds, luy demanda pardon, luy avoüant que sa patience l’avait désarmé et luy avoit esté en mesme temps un puissant motif pour le charger de confusion en faisant attention qu’estant religieux depuis longtemps et ayant blanchi dans la pratique des observances religieuses il voyoit qu’il en avoit si peu profité.

Etant de retour des eaux sans y avoir trouvé de soulagement il continua son travail et ses exercices ordinaires d’étude, de l’instruction et de l’administration des sacremens et surtout du sacrement de baptesme avec un zèle et une ferveur toute nouvelle. Il se plaignoit qu’on n’expliquoit pas assez au peuple les engagemens qu’on contracte dans ce sacrement et qu’aussy peu de gens y faisoient les attentions nécessaires pour se conduire chrestiennement dans la vie. Il prenoit plaisir lorsqu’il l’administroit d’entrer dans le détail des obligations du chrestien. Ceux qui l’entendoient étoient surpris et édifiés en mesme temps, si quelque femme ou fille vestuë d’une manière mondaine avec mousches, frisures, et nudités venoit à se présenter pour tenir quelque enfant sur les fonts, il la rebuttoit luy faisant entendre qu’elle n’étoit pas dans l’estat dans lequel elle devait être pour respondre dans une matière si importante, qu’elle ne pourroit ny renoncer au monde et à ses pompes en estant toute revestuë. Cela dit, il faisoit avancer une autre personne pour respondre à sa place.

Il ne pouvoit souffrir qu’on présentast au baptesme les enfans avec de beaux langes enrichis et ourlés[1] d’or et d’argent comme de points et de dentelles pour la mesme raison. Estant à Reims en 1652 il fut prié par sa sœur de suppléer les cérémonies du baptesme d’un de ses enfans qui lavoit receû quelques années auparavant.[2] Voyant qu’elle se préparoit de luy donner une belle robbe de tafetas blanc, et du linge propre[3] avec dentelles, il déclara nettement qu’il ne le recevroit pas avec toutes ces vanités auxquelles il alloit renoncer. Il luy inspira de luy en faire faire une qui ne fut que de ville et le reste

  1. Lecture conjecturale.
  2. « Sa sœur » domiciliée à Reims était Françoise Beuvelet, épouse du Conseiller au Présidial Gérard Roland. Il ne saurait s’agir ici de son autre sœur Barbe Beuvelet, épouse Tourtebatte, qui résidait à Laon.
  3. Ce terme n’avait pas le sens d’aujourd’hui. Il signifiait, selon Richelet (Le Nouveau dictionnaire, 1710) : net, ajusté, « ornatus ». Communément on disait de vêtements qu’ils étaient « propres » lorsqu’ils reflétaient un début de vaniteuse recherche ou qu’ils étaient, tout au moins, tellement neufs qu’on le remarquait.