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claudine à l’école

stupidités sans bornes ; ses mains immenses, longues et étroites, s’appuient sur la table ; ses yeux d’oiseau sans cervelle brillent et tournent ; elle débite, avec une volubilité extrême, des inepties monstrueuses. Il n’y a rien à faire ; on lui soufflerait dans l’oreille qu’elle n’entendrait pas ! Anaïs l’écoute aussi et s’amuse de toute sa bonne âme. Je lui demande :

— Tu as passé quoi, déjà ?

— Le chant, l’histoire, la jographie…

— Méchant, le vieux Lacroix ?

— Oui, qu’il est ch’tit ! Mais il m’a demandé des choses faciles, guerre de Trente Ans, les traités. Dis donc, Marie déraille !

— Dérailler est un mot qui me semble faible.

La petite Luce, émue et ébouriffée, vient à nous :

— J’ai passé la jographie, l’histoire, j’ai bien répondu, ah ! que j’ai du goût[1] !

— Te voilà, arnie ? moi je vais boire à la pompe, je ne peux plus tenir, qui vient ac’moi ?

Personne ; elles n’ont pas soif ou elles ont peur de manquer un appel. Dans une espèce de parloir, en bas, je trouve l’élève Aubert, les joues encore plaquées du rouge de son désespoir de tout à l’heure et les yeux en poches ; elle écrit à sa famille sur une petite table, tranquille maintenant et contente de rentrer à la ferme. Je lui dis :

— Eh bien, vous n’avez rien voulu savoir, tout à l’heure ?

  1. Locution fresnoise : « je suis contente »